Analyse discriminante
L'analyse factorielle discriminante ou analyse discriminante est une technique statistique qui vise à décrire, expliquer et prédire l'appartenance à des groupes prédéfinis d'un ensemble d'observations à partir d'une série de variables prédictives.
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- deux groupes d'observations. Cette droite est une combinaison linéaire des variables.... Analyse discriminante linéaire sur les axes factoriels.... (source : od-datamining)
- Au contraire de l'analyse discriminante prédictive, cette analyse... scindé au mieux en k sous- groupes déjà identifiés par des axes orthogonaux entre eux, ... (source : jybaudot)
- La distance de Mahalanobis entre les 2 groupes est utilisée à cette fin.... e) Analyse discriminante factorielle. La matrice Tq-1 Bq décrite sous 3. c... propres de cette matrice forment les deux axes factoriels discriminants.... (source : unesco)
L'analyse factorielle discriminante ou analyse discriminante est une technique statistique qui vise à décrire, expliquer et prédire l'appartenance à des groupes prédéfinis (classes, modalités de la variable à prédire, ... ) d'un ensemble d'observations (individus, exemples, ... ) à partir d'une série de variables prédictives (descripteurs, variables exogènes, ... ).
L'analyse discriminante est utilisée dans de nombreux domaines :
- En médecine, par exemple pour détecter les groupes à hauts risques cardiaques à partir de caractéristiques telles que l'alimentation, le fait de fumer ou pas, les antécédents familiaux, etc.
- Dans le domaine bancaire, quand on veut évaluer la fiabilité d'un demandeur de crédit à partir de ses revenus, du nombre de personnes à charge, des encours de crédits qu'il détient, etc.
- En biologie, quand on veut affecter un objet à sa famille d'appartenance à partir de ses caractéristiques physiques. Les iris de Sir Ronald Fisher -- qui est à l'origine de cette méthode—en est un exemple particulièrement fameux, il s'agit de reconnaître le type d'iris (setosa, virginica, et versicolor) à partir de la longueur/largeur de ses pétales et sépales.
L'analyse discriminante est une technique connue et reconnue, elle est décrite environ de manière semblable par les différentes communautés du traitement de données : en statistique exploratoire (exploratory data analysis), en analyse de données, en reconnaissance de formes (pattern recognition), en apprentissage automatique (machine learning), en fouille de données (data mining), ...
Tableau de données
Dans le fichier Flea Beetles Dataset, référencé sur le site DASL (Data and Story Library), nous observons 3 familles de puces caractérisées par l'angle et la largeur de leur ædeagus, leur organe de reproduction.
Nous disposons de 74 observations dans ce fichier. La variable Species indique la famille d'appartenance de chaque puce, il en existe 3 {Con – Concinna, Hei – Heikertingeri, Hep - Heptapotamica}. Les puces sont décrites avec deux variables continues : la largeur (width) et l'angle (angle) de leur ædeagus.
Les données étant décrites par deux variables, il est envisageable de représenter le nuage de points dans un graphique XY avec en abscisse la largeur (width) et en ordonnée l'angle (angle). Ça n'est plus envisageable quand le nombre de descripteurs est supérieur à deux, un des rôles de l'analyse discriminante est précisément de proposer une représentation graphique appropriée dans un espace réduit.
Nous distinguons bien les trois «blocs» associés à chaque espèce de puce. À chaque nuage de points conditionnel correspond un centre de gravité conditionnel matérialisé par la lettre G.
Des approches différentes selon les objectifs
On peut distinguer le plus souvent deux grandes approches :
- L'analyse discriminante peut être une technique descriptive. On parle dans ce cas d'analyse factorielle discriminante (ou analyse discriminante descriptive). L'objectif est de proposer un nouveau dispositif de représentation, des variables latentes constituées à partir de combinaisons linéaires des variables prédictives, qui permettent de discerner au maximum les groupes d'individus. En ce sens, elle se rapproche de l'analyse factorielle car elle sert à proposer une représentation graphique dans un espace réduit, surtout de l'analyse en composantes principales calculée sur les centres de gravité conditionnels des nuages de points avec une métrique spécifique. On parle aussi d'analyse canonique discriminante, surtout dans les logiciels anglo-saxons.
- L'analyse discriminante peut être prédictive. Il s'agit dans ce cas de construire une fonction de classement (règle d'affectation, ... ) qui sert à prédire le groupe d'appartenance d'un individu à partir des valeurs prises par les variables prédictives. En ce sens, cette technique se rapproche des techniques supervisées en apprentissage automatique telles que les arbres de décision, les réseaux de neurones, ... Elle repose sur un cadre probabiliste. Le plus connu est sans doute l'hypothèse de distribution multinormale (loi normale). Additionnée à l'hypothèse d'homoscédasticité, les nuages de points conditionnels ont la même forme, nous aboutissons à l'analyse discriminante linéaire. Elle est particulièrement séduisante dans la pratique car la fonction de classement s'exprime comme une combinaison linéaire des variables prédictives, facile à analyser ainsi qu'à interpréter. Cette technique est , avec la régression logistique, particulièrement utilisée dans le scoring, quand nous voulons par exemple caractériser l'appétence – la propension à acheter – d'un client face à un nouveau produit.
La distinction entre ces deux approches n'est pas aussi tranchée. Il est par exemple envisageable de dériver des règles géométriques d'affectation à partir de l'analyse factorielle discriminante.
L'analyse discriminante descriptive (analyse factorielle discriminante, canonical discriminant analysis en anglais) est une technique de statistique exploratoire qui travaille sur un ensemble de observations décrites par
variables, répartis en
groupes. Elle vise à produire un nouveau dispositif de représentation, constitué de combinaisons linéaires des variables initiales, qui sert à séparer au mieux les
catégories.
- L'analyse discriminante descriptive est une technique descriptive car elle propose une représentation graphique qui sert à visualiser les proximités entre les observations, appartenant au même groupe ou non.
- C'est aussi une technique explicative car nous avons la possibilité d'interpréter les axes factoriels, combinaisons linéaires des variables initiales, et ainsi comprendre les caractéristiques qui distinguent les différents groupes.
Au contraire de l'analyse discriminante prédictive, elle ne repose sur aucune hypothèse probabiliste. Il s'agit principalement d'une méthode géométrique.
Notations - Formulations
Données et notations
Nous disposons d'un échantillon de observations réparties dans
groupes d'effectifs
.
Notons la variable définissant les groupes, elle prend ses valeurs dans
. Nous disposons de
variables
.
Nous notons les centres de gravité des nuages de points conditionnels,
leurs matrice de variance-covariance.
Démarche
L'objectif de l'analyse discriminante est de produire un nouvel espace de représentation qui sert à distinguer le mieux les K groupes. La démarche consiste à produire une suite de variables discriminantes , non-corrélés deux à deux, tels que des individus du même groupe projetés sur ces axes soient le plus proches envisageables les uns des autres, et que des individus de groupes différents soient le plus éloignés envisageables.
- La dispersion à l'intérieur d'un groupe est décrite par la matrice de variance co-variance
. Nous pouvons en déduire (à un facteur près) la dispersion intra-groupe
- L'éloignement entre les groupes, entre les centres de gravité des groupes, est traduit par la matrice de variance co-variance inter-groupes (à un facteur près)
, où
est le centre de gravité du nuage de points global.
- La dispersion totale du nuage est obtenue par la matrice de variance co-variance totale
. En vertu du théorème d'Huyghens (qui est la généralisation mutlidimensionnelle de la formule de décomposition de la variance) :
Le premier axe factoriel sera par conséquent défini par le vecteur directeur tel qu'on maximise la quantité
. La variance inter-classes sur ce premier axe factoriel
sera maximum.
Solution
La solution de ce problème d'optimisation linéaire passe par la résolution de l'équation . La réponse nous est directement apportée par le calcul des valeurs propres et vecteurs propres de la matrice
.
- Le premier axe factoriel
est par conséquent obtenu à l'aide du vecteur propre
correspondant à la plus grande valeur propre
. Le second axe factoriel est définie par le vecteur propre suivant, etc.
- La totalité des axes factoriels est déterminée par les valeurs propres non-nulles de la matrice
. Dans le cas courant où
axes factoriels.
- Enfin, la variance inter-classes calculée sur l'axe factoriel
, qu'on nomme aussi pouvoir discriminant de l'axe, est égale à la valeur propre
associée.
Évaluation
L'évaluation se situe à deux niveaux : évaluer le pouvoir discriminant d'un axe factoriel ; évaluer le pouvoir discriminant d'un ensemble d'axes factoriels. L'idée sous-jacente est de pouvoir déterminer le nombre d'axes suffisants pour distinguer les groupes d'observations dans le nouveau dispositif de représentation.
Évidemment, ces évaluations n'ont de sens que si les groupes sont discernables dans l'espace de représentation d'origine. Il nous faut par conséquent, tout d'abord, apprécier dans quelle mesure les centres de gravité des groupes sont différents. En d'autres termes, il s'agit de vérifier si la part de B dans l'équation V = B + W est assez importante pour que cela vaille la peine de la décomposer ensuite.
Test MANOVA
Le test global ressemble à une analyse de variance multivariée à un facteur. Dans ce cadre, nous introduisons l'hypothèse que les observations suivent une loi normale multidimensionnelle. Nous retrouvons aussi ce test dans l'analyse discriminante prédictive (analyse discriminante linéaire). La statistique du test est le Lambda de Wilks qui est égal au rapport (| | sert à désigner le déterminant de la matrice). En utilisant la transformation de Rao qui suit une loi de Fisher, nous pouvons déterminer si nous devons accepter ou réfuter l'hypothèse d'égalité des centres de gravité de groupes.
Proportion de variance expliquée
Chaque axe rapporte une partie de la variance inter-classes B. Une approche simple pour apprécier l'importance d'un axe est de calculer la part de variance expliquée qu'elle porte, traduite par la valeur propre. La proportion de valeur propre, c. -à-d. le rapport entre la valeur propre de l'axe et la somme totale des valeurs propres de la totalité des axes, nous donne une bonne indication sur le rôle d'un axe.
Rapport de Corrélation
Une autre manière de rapporter l'importance d'un axe est de calculer le rapport de corrélation. Il s'appuie sur la formule de décomposition de la variance. Pour un axe factoriel , il est égal au ratio
(la somme des carrés inter-groupes divisé par la somme des carrés totale,
représente une observation).
Un axe sera d'autant plus intéressant qu'il présente un rapport de corrélation élevé. Dans les logiciels anglo-saxons, la racine carrée du rapport de corrélation de l'axe est nommée la h-ème corrélation canonique.
Test des racines successives
En introduisant de nouveau l'hypothèse de multinormalité et d'homoscédasticité (voir analyse discriminante prédictive), nous pouvons tester la nullité des derniers rapports de corrélation. Le test repose sur la statistique de Wilks
. L'hypothèse nulle (nullité des
rapports de corrélation) est infirmée pour les petites valeurs de
.
Tout comme pour le test global, une transformation est mise en œuvre pour retomber sur des lois de distribution d'usage courant. La transformation de Bartlett est fréquemment proposée dans les logiciels. Elle suit une loi du Khi-2 à degrés de liberté. L'hypothèse nulle est rejetée si la probabilité critique calculée est inférieure au risque de première espèce (niveau de confiance) qu'on s'est fixé.
Nous retombons sur le test MANOVA global ci-dessus (Lambda de Wilks) si nous testons la nullité des rapports de corrélation sur l'ensemble des axes factoriels. En d'autres termes,
, ce qui est particulièrement naturel puisque cela revient à tester l'ensemble des axes.
Un exemple
Le fameux fichier IRIS permet d'illustrer la méthode. Il a été proposé et utilisé par Fisher lui-même pour illustrer l'analyse discriminante. Il comporte 150 fleurs décrites par 4 variables (longueur et largeur des pétales et sépales) et regroupées en 3 catégories (Setosa, Versicolor et Virginica).
L'objectif est de produire un plan factoriel (3 catégories ⇒ 2 axes) servant à distinguer au mieux ces catégories, puis d'expliquer leurs positionnements respectifs.
Axes factoriels
Le calcul produit les résultats suivants.
Axe | Val. propre | Proportion | Canonical R | Wilks | KHI-2 | D. D. L. | p-value |
---|---|---|---|---|---|---|---|
1 | 32.272 | 0.991 | 0.985 | 0.024 | 545.58 | 8 | 0.0 |
2 | 0.277 | 1.0 | 0.466 | 0.783 | 35.6 | 3 | 0.0 |
Les deux axes sont globalement significatifs. En effet, le lambda de Wilks de nullité des deux axes est égal à 0.023525 ( ici). Le KHI-2 de Bartlett est égal à 545.57, avec un degré de liberté égal à (2 x (4-3+2+1) ) = 8, il est particulièrement hautement significatif (p-value particulièrement petite).
Nous constatons néanmoins que le premier axe traduit 99, 1% de la variance expliquée. Nous pouvons légitimement nous demander si le second axe est pertinent pour la discrimination des groupes. Il suffit pour cela de tester la nullité du dernier axe (). Le lambda est plus élevé (0.78), ce qui se traduit par un KHI-2 plus faible (35.64) à (1 x (4-3+1+1) ) = 3 degrés de liberté, il reste néanmoins significatif si on se fixe un niveau de confiance à 5%.
Partant de ce résultat, nous serions amenés à conserver les deux axes. Nous verrons plus bas que ce résultat est à relativiser.
Représentation graphique
En projetant les points dans le plan factoriel, nous obtenons le positionnement suivant.
Nous distinguons bien les trois catégories de fleurs. Nous constatons aussi que le premier axe permet déjà de les isoler convenablement. Sur le second axe, même si les centres de gravité des groupes semblent différents, la différenciation n'est pas aussi tranchée.
Nous retrouvons bien dans ce graphique ce qu'on pressentait avec la proportion de variance expliquée. Le premier axe suffit beaucoup pour discriminer les groupes. Le second axe, même s'il est statistiquement significatif, n'apporte pas un réel complément d'informations.
Fréquemment, les techniques visuelles emmènent un contrepoint particulièrement pertinent aux résultats numériques bruts.
Projection des individus supplémentaires
Pour projeter des observations supplémentaires dans le plan factoriel, les logiciels fournissent les équations des fonctions discriminantes. Il suffit de les appliquer sur la description de l'individu à classer pour obtenir ses coordonnées dans le nouveau repère.
Dans l'exemple IRIS, nous obtenons les cœfficients suivants.
Variables | Axe 1 | Axe 2 |
---|---|---|
Sepal Length | -0.819 | -0.033 |
Sepal Width | -1.548 | -2.155 |
Petal Length | 2.185 | 0.930 |
Petal Width | 2.854 | -2.806 |
Constante | -2.119 | 6.640 |
Interprétation des axes
Dernier point, et non des moindres, il nous faut comprendre le positionnement relatif des groupes, c. -à-d. expliquer avec variables initiales l'appartenance aux catégories.
Pour cela, à l'instar des techniques factorielles telles que l'analyse en composantes principales (ACP) -- l'analyse factorielle discriminante peut être vue comme un cas spécifique de l'ACP d'ailleurs -- les logiciels fournissent la matrice de corrélation. À la différence de l'ACP, trois types de corrélations peuvent être produits : la corrélation globale entre les axes et les variables initiales ; la corrélation intra-classes, calculée au sein des groupes ; la corrélation inter-classes calculée à partir des centres de gravité des groupes pondérés par leurs fréquences.
Dans l'exemple IRIS, si nous nous en tenons au premier axe, nous obtenons les corrélations suivantes.
Variables | Total | Intra-groupes | Inter-groupes |
---|---|---|---|
Sep Length | 0.792 | 0.222 | 0.992 |
Sep Width | -0.523 | -0.116 | -0.822 |
Pet Length | 0.985 | 0.705 | 1.000 |
Pet Width | 0.973 | 0.632 | 0.994 |
La corrélation inter-classes qui traduit le positionnement des groupes sur les axes indique ici que les Virginica ont plutôt des longueurs de sépales, des longueurs et des largeurs de pétales importantes. Les Setosa possèdent à l'inverse des longueurs de sépales, des longueurs et des largeurs de pétales réduites. Les Versicolor occupent une position intermédiaire.
La lecture est inversée concernant la largeur des sépales.
Références
- M. Bardos, Analyse Discriminante - Application au risque et scoring financier, Dunod, 2001.
- (fr) Gilbert Saporta, Probabilités, Analyse des données et Statistique, 2006 [détail des éditions]
- L. Lebart, A. Morineau, M. Piron, Statistique Exploratoire Multidimensionnelle, Dunod, 2000.
- M. Tenenhaus, Méthodes Statistiques en Gestion, Dunod, 1996.
- Michel Volle, Analyse des données, Economica, 4e édition, 1997, ISBN 2717832122
Logiciels
- R (e. g. fonction lda () du package MASS, package ade4)
- SAS Stat
- SPSS et SPSS Clementine
- STATGRAPHICS et son module UNIWIN Plus
- StatEL, addon statistique sur Excel (Windows et Mac OS X)
- Tanagra Un logiciel universitaire gratuit et open source pour l'enseignement et la recherche
- XLStat, outil d'analyse de données et de statistiques pour Excel
- IMSL, librairie mathématique et statistique pour C/C++, C#, Java, Fortran et Python
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